"Je réalisais à l'âge de 33 ans que j'avais passé les 14 premières années de
ma vie dans le plus bel endroit du monde : au cœur de la Terre.
A marcher en chantonnant le long des sillons noirs tracés par mon père, à inventer des
histoires sur le Grand Chemin au crépuscule, à caresser du bout des doigts blés et
bleuets, à échanger verbalement avec les marguerites aux longues tiges, à cueillir les fruits
sur les arbres en passant, à voler les fraises du jardin paternel, à
sautiller entre les chèvres et à bercer leurs nouveaux nés comme s'ils étaient miens, à remplir mes poumons de l'odeur de la pluie après l'orage, de celle du feu de bois et des bébés chiens nichés dans la paille..en toute liberté ! EN TOUTE LIBERTE ! J'étais repu du
Vivant, sous perfusion permanente et alors je ne le savais pas. J'ai
beaucoup pleuré, ri, remercié aussi. Il me suffisait de fermer les
yeux et de basculer dans ces temps anciens pour m'y retrouver
précisément. Tout était resté à l'intérieur, intact, cela avait
été mon lait maternel, l'eau de la Source, le Pain de ma vie, et y
revenir, retrouver ces traces quasi ancestrales et les suivre me touchait profondément, me réjouissait, me remplissait à nouveau comme jamais".